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ANDROMAQVE
ANDROMAQVE.

Ah, Seigneur, arreſtez. Que prétendez-vous faire ?
Si vous liurez le Fils, liurez-leur donc la Mere.
Vos ſerments m’ont tantoſt juré tant d’amitié.
Dieux ! N’en reſte-t’il pas du moins quelque pitié ?
Sans eſpoir de pardon m’auez-vous condamnée ?

PYRRHVS.

Phœnix vous le dira, ma parole eſt donnée.

ANDROMAQVE.

Vous qui brauiez pour moy tant de perils diuers ?

PYRRHVS.

I’eſtois aueugle alors, mes yeux ſe ſont ouuerts.
Sa grace à vos déſirs pouuoit eſtre accordée.
Mais vous ne l’auez pas ſeulement demandée.
C’en eſt fait.

ANDROMAQVE.

C’en eſt fait.Ah ! Seigneur, vous entendiez aſſez
Des ſoûpirs qui craignoient de ſe voir repouſſez,
Pardonnez à l’éclat d’vne illuſtre fortune
Ce reſde fierté qui craint d’eſtre importune.
Vous ne l’ignorez pas, Andromaque ſans vous
N’auroit jamais d’vn Maiſtre embraſſé les genoux.

PYRRHVS.

Non, vous me haïſſez. Et dans le fonds de l’ame
Vous craignez de deuoir quelque choſe à ma flâme.