Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Tout lui rirait, Pylade ; et moi, pour mon partage, Je n’emporterais donc qu’une inutile rage ? J’irais loin d’elle encor tâcher de l’oublier ? Non, non, à mes tourments, je veux l’associer. C’est trop gémir tout seul. Je suis las qu’on me plaigne. Je prétends qu’à mon tour l’inhumaine me craigne, Et que ses yeux cruels, à pleurer condamnés, Me rendent tous les noms que je leur ai donnés.

Pylade

Voilà donc le succès qu’aura votre ambassade : Oreste ravisseur !

Oreste
 xxxxxxxxxxxxxxxx Et qu’importe, Pylade ?

Quand nos Etats vengés jouiront de mes soins, L’ingrate de mes pleurs jouira-t-elle moins ? Et que me servira que la Grèce m’admire, Tandis que je serai la fable de l’Epire ? Que veux-tu ? Mais, s’il faut ne te rien déguiser, Mon innocence enfin commence à me peser. Je ne sais de tout temps quelle injuste puissance Laisse le crime en paix, et poursuit l’innocence. De quelque part sur moi que je tourne les yeux, Je ne vois que malheurs qui condamnent les dieux. Méritons leur courroux, justifions leur haine, Et que le fruit du crime en précède la peine Mais toi, par quelle erreur veux-tu toujours sur toi Détourner un courroux qui ne cherche que moi ? Assez et trop longtemps mon amitié t’accable : Evite un malheureux, abandonne un coupable. Cher Pylade, crois-moi, ta pitié te séduit. Laisse-moi des périls dont j’attends tout le fruit. Porte aux Grecs cet enfant que Pyrrhus m’abandonne. Va-t’en.

Pylade
 xxxxxxxxxxxxxxxx Allons, Seigneur, enlevons Hermione.

Au travers des périls un grand cœur se fait jour. Que ne peut l’amitié conduite par l’amour ?