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PREFACE.

QUAND je lus les Gueſpes d’Ariſtophane, je ne ſongeois guère que j’en duſſe faire les Plaideurs. J’avoue qu’elles me divertirent beaucoup, & j’y trouvai quantité de plaiſanteries qui me tentèrent d’en faire part au Public ; mais c’étoit en les mettant dans la bouche des Italiens, à qui je les avois deſtinées, comme une choſe qui leur appartenoit de plein droit. Le Juge qui ſaute par les fenêtres, le Chien criminel, & les larmes de ſa famille, me ſembloient autant d’incidens dignes de la gravité de Scaramouche. Le départ de cet Acteur interrompit mon deſſein, & fit naître l’envie à quelques-uns de mes amis, de voir ſur notre Théâtre un échantillon d’Ariſtophane. Je ne me rendis pas à la première propoſition qu’ils m’en firent. Je leur dis que quelque eſprit que je trouvaſſe dans cet Auteur, mon inclination ne me porteroit pas à le prendre pour modèle, ſi j’avois à faire une Comédie ; & que j’aimerois beaucoup mieux imiter la régularité de Ménandre & de Térence, que la liberté de Plaute & d’Ariſtophane. On me répondit que ce n’étoit pas une Comédie qu’on me demandoit, & qu’on vouloit ſeulement voir ſi les bons mots d’Ariſtophane auroient quelque grâce dans notre langue. Ainſi, moitié en m’encourageant, moitié en mettant eux-mêmes la main à l’œuvre, mes amis me firent commencer une Pièce qui ne tarda guère à être achevée.

Cependant la plupart du monde ne ſe ſoucie point de l’intention, ni de la diligence des Auteurs. On examina d’abord mon amuſement comme on auroit fait d’une Tragédie. Ceux mêmes qui s’y étoient le plus divertis eurent peur de n’avoir pas ri dans les règles, & trouvèrent mauvais que je n’euſſe pas ſongé plus ſérieuſement à les faire rire. Quelques autres s’imaginèrent