Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/132

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mais la réflexion chez madame Montoni ne subjuguoit ni le caprice ni l’humeur, et ses réponses en furent tellement remplies, qu’Emilie renonçant au projet de la distraire, alla se placer à la fenêtre, pour jouir elle-même d’un spectacle si nouveau et si charmant.

Le premier objet qui attira son attention, fut un groupe de danseurs que menoient une guitare et d’autres instrumens. La fille qui tenoit la guitare, et celle qui frappoit le tambourin, dansoient elles-mêmes avec beaucoup de légèreté, de grâces et de gaîté. Après ceux-ci vinrent des masques : les uns étoient en gondoliers, d’autres en ménétriers ; ils chantoient en parties, accompagnés de peu d’instrumens. Ils s’arrêtèrent à quelque distance du portique, et dans leurs chants Emilie reconnut des vers de l’Arioste ; ils chantoient les guerres des Maures contre Charlemagne et les malheurs du paladin Roland. La mesure changea, et fit place à la douce mélancolie de Pétrarque ; la magie de ses douloureux accens étoit encore soutenue d’une musique et d’une expression italienne, et le clair de lune mettoit le comble à cet enchantement.

Emilie ressentoit un profond enthousiasme ; ses larmes couloient en silence, et son