Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/206

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quille, observent les progrès du jour, qui s’étendoit sur la mer, développoit Venise et ses islots, enfin les rivages d’Italie, le long desquels les barques et leurs voiles légères commençoient à s’agiter.

Les gondoliers étoient souvent appelés à cette heure matinale par tous ceux qui portoient des provisions au marché de Venise. Une foule innombrable de petites barques bien chargées, et venant de Terre-Ferme, couvrit bientôt toute la lagune. Emilie donna un dernier regard à cette magnifique cité ; mais son esprit n’étoit alors rempli que de ses conjectures sur les événemens qui l’attendoient, le pays où on l’entraînoit, le motif enfin de ce soudain voyage. Il lui parut, après de mûres réflexions, que Montoni la menoit à son château isolé, pour la contraindre plus sûrement à l’obéissance par tous les moyens de terreur. Si les scènes ténébreuses et solitaires qu’on y disposoit n’avoient pas l’effet attendu, son mariage y seroit célébré de force, avec encore plus de mystère, et l’honneur de Montoni en seroit toujours moins blessé. Le peu de courage que le délai lui avoit rendu expira à cette idée terrible, et quand on atteignit le rivage, Emilie étoit retombée dans le plus pénible abattement.