Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/31

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obligeoient tout le monde à lui céder. La finesse de son tact étoit fortement exprimée dans sa physionomie ; mais il savoit se déguiser, quand il falloit, et l’on pouvoit y remarquer souvent le triomphe de l’art sur la nature. Son visage étoit long, assez maigre, et pourtant, on le disoit beau ; c’étoit peut-être, à la force, à la vigueur de son ame, qui se prononçoit dans tous ses traits, que pouvoit se rapporter cet éloge. Emilie se sentit entraînée vers une sorte d’admiration pour lui, mais non pas de cette admiration qui pouvoit conduire à l’estime ; elle y joignoit une sorte de crainte dont elle ne devinoit pas la cause.

Cavigni étoit gai et insinuant comme la première fois. Quoique presque toujours occupé de madame Chéron, il trouvoit les moyens de causer avec Emilie. Il lui adressa d’abord quelques saillies d’esprit, et prit ensuite un air de tendresse dont elle s’apperçut bien, et qui ne l’effraya point. Elle parloit peu, mais la grâce et la douceur de ses manières l’encourageoient à continuer. Elle n’eut de relâche que quand une jeune dame du cercle, qui parloit sans cesse et sur tout, vint se mêler à l’entretien : cette dame, qui déployoit toute la vivacité, toute la coquetterie d’une française, affectoit