Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/90

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purgé la terre de trois bandits depuis le commencement de l’année. Il tira ensuite un coutelas d’une énorme longueur, et alloit raconter les exploits où il avoit bien figuré ; mais Sainte-Foix s’aperçut que ce récit affectoit Blanche, et il se hâta de l’interrompre. Le comte, qui rioit en lui-même des terribles histoires et des forfanteries du conducteur, vouloit, au contraire, l’animer ; il en prévint Blanche tout bas, et commença à raconter quelques-unes de ses prouesses, pour que l’homme se mît plus en train.

Le comte donna aux prodiges de son récit un coloris si naturel, que le courage de ses guides en fut visiblement ému ; ils restèrent en silence long-temps après qu’il eut cessé de parler. Le principal héros ayant perdu la parole, ses oreilles et ses yeux y gagnèrent ; il écoutoit avec une extrême inquiétude le tonnerre qui rouloit au loin, et s’arrêtoit avec tous les symptômes de la crainte, quand le vent qui s’élevoit alors, s’engouffroit entre les sapins. Tout à coup il s’arrêta devant un bouquet de liéges qui s’avançoient sur la route, et tira son pistolet pour se mettre en état d’affronter les bandits, si par hasard il s’en trouvoit derrière. Le comte ne put s’empêcher de rire.