Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol2.djvu/59

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bre de ce roi des singes couvrir dix yodjanas de sa largeur, et trois fois plus avec sa longueur. La grande ombre, en suivant le fils du Vent, se dessinait sur les ondes salées comme une file de nuages dans un ciel blanc, ou comme le fils de Vinatâ quand il courut enlever l’ambroisie.

Les grands nuages, labourés par les bras du singe, éclataient de couleur pourpre, blanche, rouge et noire dans l’espace illuminé de foudres, enflammé d’éclairs et que la chute des tonnerres festonnait avec des guirlandes de feu. On le voit à différentes fois entrer dans la masse des nuages ou sortir, et tantôt se montrer aux yeux, tantôt se dérober comme la lune.


Tandis que le singe nageait ainsi dans l’espace, cette pensée vint à l’esprit d’une vieille Rakshasî, nommée Sinhikâ, qui pouvait se revêtir à son gré de toutes les formes : « Aujourd’hui, après un long temps, je vais apaiser ma faim ; car je vois là dans les airs un bien grand animal, qui tombe enfin sous ma puissance ! » Quand elle eut roulé dans son esprit cette pensée, elle saisit l’ombre comme un vêtement ; et le singe, voyant qu’elle arrêtait son ombre, de songer en lui-même : « Oh ! oh ! me voilà secoué vivement, tel qu’une montagne dans un tremblement de terre, ou comme un grand navire battu dans l’Océan par un vent contraire ! »

Alors jetant les yeux en bas, en haut, de côté, le fils de Mâroute vit ce grand être qui s’élevait hors des ondes salées. « C’est là, on n’en peut douter, se dit-il, cette créature qu’on voit dans la grande mer happer l’ombre, ainsi que je l’ai ouï dire au monarque des singes. » À peine eut-il conjecturé de cette manière avec justesse que c’était Sinhikâ, le quadrumane ingénieux de gonfler sou-