Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/200

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sceptique qui s’effraie de l’incertitude des connaissances humaines et se jette par désespoir entre les bras de la foi. D’autres veulent que Pascal ait vu dans le fait historique du miracle la preuve par excellence de la doctrine chrétienne. Ils pourraient même, au besoin, trouver certains mots où l’ami de Port-Royal paraît en appeler au miracle de la Sainte-Épine, comme au fait décisif. D’autres veulent que Pascal ait inauguré l’apologie moderne en abordant le christianisme par le côté philosophique et moral, en démontrant l’heureuse concordance de la doctrine du Christ et de la nature de l’homme. — Il y a un élément de vérité dans chacune de ces interprétations. L’apologie du désespoir, comme l’appelle un écrivain, l’apologie supranaturaliste et l’apologie philosophique se donnent la main dans cette œuvre singulière. Ces divers points de vue ne sont faux qu’autant qu’ils sont exclusifs. Si l’on veut rester fidèle à la vérité historique, il faut voir l’ensemble, et ne pas faire violence à la pensée de Pascal en n’en faisant ressortir qu’une seule face ; mais au lieu de cela que fait-on ? On impose à l’auteur des Pensées un système ; pour le rendre conséquent avec lui-même, on le mutile, on le rétrécit. On oublie qu’il s’agit ici d’une œuvre qui est encore dans le désordre de l’enfantement. De là une foule d’interprétations opposées, une foule de jugements injustes, une foule d’erreurs.