Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/272

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visites à Port-Royal. Peut-être n’y a-t-il besoin pour les expliquer d’aucune supposition pareille. Elles sont bien dans la ligne suivie par M. Sainte-Beuve, et s’il faut lui supposer un moment de hardiesse pour les avoir jetées au public, il n’y a qu’à le prendre tel que nous l’avons vu pour trouver très naturel qu’il les ait écrites et serrées dans son tiroir. Est-ce à dire qu’il faille les prendre à la lettre. J’en doute beaucoup. Les hommes qui ont eu une enfance chrétienne, puis une jeunesse agitée, et qui plus tard reviennent à la religion de leur enfance, les Racine, par exemple, ont coutume, lorsque du port où ils sont rentrés ils considèrent le chemin parcouru, de voir partout la grâce première, présente jusque dans leurs égarements et qui travaille à les ramener. Illusion, disent les libres moralistes, et M. Sainte-Beuve tout le premier, ce qui n’empêche pas qu’à son tour, lui, le plus libre de tous, l’esprit le plus brisé et le plus rompu aux métamorphoses, il ne donne en plein dans la même illusion. Il a commencé par le dix-huitième siècle, et lorsque, après avoir flotté de part et d’autre, il retourne à son point de départ, ou peu s’en faut, le voilà qui se persuade qu’au milieu de toutes ces métamorphoses il a toujours été le même, et que le fond premier, sa grâce à lui, ne l’a jamais abandonné. On a beau faire, on ne sort pas de soi, on ne sort pas du présent, et quand on se regarde à distance, on se juge non tel qu’on était,