Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/310

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vie, qu’il lui sera doux de mourir. Elle est assurée alors que ses œuvres la suivront ; la vérité lui apparaît comme la récompense de ses bonnes actions ; elle voit l’insuffisance de toutes les formes passagères pour exprimer l’idéal ; les mots d’être et de néant perdent leur sens contradictoire ; elle s’envisage avec la divinité dans les rapports d’un fils avec son père, et elle prie à peu près en ces termes : « Notre père qui êtes aux cieux… ! »

Celui qui a écrit cette page et bien d’autres semblables, a sa place marquée parmi les représentants actuels du sentiment religieux, dans sa plus grande généralité. Il peut être hérétique au premier chef, — l’hérésie et le sentiment religieux ne s’excluent en aucune façon — on peut, d’un certain point de vue, lui refuser le titre de chrétien ; mais à coup sûr il n’est pas impie. C’est tout justement le contraire de Béranger. Béranger est plus impie qu’hérétique. Son déisme étroit est un fragment de religion orthodoxe. Il croit en Dieu ; il en prouve l’existence par un argument cher aux docteurs :

Le nid n’a pas créé l’oiseau.

Le principal attribut de son Dieu est la bienveillance. Il faut avoir confiance en lui et jouir des biens de la vie, en levant les yeux vers le monde invisible,

Où pour toujours nous nous réunissons.

Voilà pour un chansonnier un symbole assez cor-