Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux, les critiques français sont tous d’accord pour faire de Molière un poète d’ordre supérieur. Ce même Boileau, si sévère pour son ami, disait à Louis XIV, qui voulait savoir quel était le plus grand des écrivains de son siècle : « Sire, c’est Molière. » Ils sont également d’accord pour envisager ce qu’on appelle, en France, la comédie de caractère, comme la forme supérieure, de l’art comique. Le poëte fait pour ses héros ce que l’acteur fait pour ses rôles : il s’absorbe en eux et disparaît. Il est tour à tour avare, hypocrite, pédant, et il l’est mieux que ne le sont les avares, les hypocrites, les pédants eux-mêmes. Fidèle observateur de la nature, il ne se permet avec elle qu’une seule liberté, il l’abrège et la rend plus saillante par le raccourci, à peu près comme ferait un habile feuilletonniste, qui, ayant à rendre compte d’un gros livre indigeste, plein de répétitions et d’inutilités, condenserait en quelques pages tout ce qu’il y aurait trouvé d’intéressant, et en donnerait une analyse supérieure au livre lui-même.

Ce sont là les principes de tous les critiques français du XVIIe et du XVIIIe siècle. Ils placent Molière bien au-dessus d’Aristophane, qui n’a pas connu la comédie de caractère. Fénelon écrit à l’académie qu’il lui serait facile de nommer beaucoup d’anciens dont on se passe volontiers, et il indique en première ligne Aristophane et Plaute. Voltaire fait