Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plaisir, souvent un système, d’osciller perpétuellement entre le oui et le non.

Les esprits nés critiques n’oublient jamais que le principe du scepticisme n’est autre que l’intelligence elle-même ; ils appellent sceptique celui qui regarde, et le mot est pour eux un éloge.

Les esprits nés tranchants ne songent qu’à la versatilité de caractère où le scepticisme peut conduire. Ils appellent sceptique celui qui se complaît à flotter dans l’incertitude, et le mot devient pour eux la pire des injures.

Quelque domaine qu’on aborde, théologie, philosophie, littérature, art, science, il importe de se rappeler qu’il y a scepticisme et scepticisme. Mais si jamais il est nécessaire de distinguer exactement, c’est dans les questions artistiques ou littéraires. Nulle part l’oubli des nuances n’est plus fatal. En littérature, oublier la nuance, c’est oublier la vérité.

Le triomphe de l’école historique, sa force, l’unique raison de ses succès, est d’avoir introduit, dans la critique, le scepticisme qui regarde.

La suite des littératures ressemble à un fleuve qui aurait la propriété de conserver l’image des objets qui s’y sont mirés tour à tour. Les divers paysages qu’il a réfléchis subsistent encore ; mais les hommes qui les animaient ont disparu ; et il ne reste d’eux que le reflet dans le fleuve. Le critique