Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/292

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D’un sang si corrompu, d’un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.

Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Ou, sur un grand tas d’or vautres dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu’aux roches,

Ne sachant faire rien ni des jours, ni des nuits,
Noyés dans le néant des suprêmes ennuis,
Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.


Et voilà, messieurs, l’inspiration première, la note fondamentale de toute cette poésie des Parnassiens : le mépris superbe, l’horreur du Philistin. Chassée du monde moderne, qui n’est pour elle qu’une vaste Béotie, la poésie s’en venge en le maudissant.

Ces vers sont de Leconte de Lisle, et Leconte de Lisle est le maître de l’école parnassienne, celui qui a rompu le plus hardiment avec le siècle et s’est le plus hardiment retranché dans la solitude du mont sacré.

Je ne m’arrêterai pas à raconter sa vie : je ne la sais pas. Il a quelque chose comme soixante ans, et voici trente ans environ qu’il a fait sa première apparition sur la scène litteraire. Né à l’Île Bourbon, il vint d’assez bonne heure en France, où il eut l’idée, à ce qu’on assure, de jouer un rôle politique. Il était chaudement républicain en 1848 ; mais bientôt, dégoûté des hommes et du siècle, il se rejeta dans la société des livres et des anciens, moins su-