Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/201

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Il se met debout, il fait encore quelques pas autour de la maison, en inspectant les alentours par habitude, mais il n’y a toujours personne. Il n’y a là que Décosterd qui a pensé qu’il fallait profiter de l’occasion.

— Écoutez, patron, c’est le beau… Si on allait demain à la pêche ?… Je me demande si le poisson s’ennuie autant de moi que moi je m’ennuie de lui… En tout cas, les filets ont soif et ça ne vaut rien pour les filets…

Il pensait : « Il faut tâcher de la distraire un peu. »

Et Rouge : « Oui, pourquoi pas, en somme ? Demain ou après-demain. Après-demain plutôt, si tu veux… »

Seulement c’est le lendemain déjà que ce petit vieux est arrivé (et ainsi on n’a été pêcher ni le lendemain, ni le surlendemain, ni aucun des jours qui sont venus ensuite).

Ce petit vieux avait une blouse grise (il était à la fois greffier communal et garde-champêtre) ; il avait une chemise en grosse toile et à col non empesé, mais très propre ; un pantalon de coutil bleu, un chapeau de paille jaune, genre panama, rabattu sur le devant.

C’était un petit vieux très soigné, il a été très poli :

— Je vous apporte une convocation, M. Rouge.

Il avait sous le bras une canne d’épine, en témoignage de ses attributions ; et Rouge :

— Une convocation ?

— Oui, une convocation de M. le juge… C’est au sujet de cette enquête.