Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/113

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Une murène ensuite est servie au patron.
Des gouffres de Sicile elle vient pour Virron ;
Car à peine l’Auster, loin des plaines liquides,
Vient sécher les frimas de ses ailes humides,
Que l’on voit des pécheurs les esquifs imprudents
Affronter de Scylla les abîmes grondants.
Quant à vous, malheureux, troupe abjecte et honteuse,
N’attendez de sa main qu’une anguille douteuse,
Ou quelque vil poisson dans le Tibre nourri,
Animal dégoûtant, par la glace meurtri,
Et qui, sous les égouts, dans une fange impure,
Remontait en rampant au quartier de Suburre.

 

J’ai deux mots à lui dire : Écoutez-moi, Virron.
Nous ne prétendons pas qu’imitant un Pison,
Un Sénèque, un Cotta, comme eux, de vos richesses
A vos moindres clients vous fassiez des largesses,
Ni que vous préfériez, comme en des jours si beaux,
La gloire de donner, aux titres, aux faisceaux :
Non : mais dans vos banquets traitez-nous sans outrage.
A ce prix, j’y consens, réglez-vous sur l’usage ;
Et puisque chez les grands, c’est un système admis,
Soyez riche pour vous, pauvre pour vos amis.

 

Vis-à-vis du patron, près d’un pâté de foie,
Avec une poularde aussi grosse qu’une oie,
On sert un sanglier digne du fier chasseur
Dont le bois d’Erymanthe admira la valeur ;
Et pour lui seul encor, de l’Afrique apportée,
A ces mets succulents la truffe est ajoutée,
Quand, au gré de nos vœux, la pressant de mûrir,
Le tonnerre, au printemps, la fait assez grossir.
Terre de Jugurtha, par qui Rome est nourrie,
Dételle tes taureaux, cherche une autre industrie :
Ce n’est plus du froment, s’écrie Allédius,
C’est des truffes qu’il faut à nos Apicius.
Regarde, pour aigrir et redoubler ta bile,