Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/191

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Ils font grand bruit, surtout lorsqu’avec défiance,
Un client inquiet assiste à l’audience,
Ou qu’un autre, plaidant sur un titre douteux,
Armé d’un long journal, vient s’asseoir auprès d’eux.
Alors de leurs poumons, gonflés comme une éponge,
Ils expriment le fiel, ils souillent le mensonge,
Et l’écume à grands flots se répand sur leur sein.
Eh bien ! te plairait-il d’apprécier leur gain ?
Choisis cent avocats des mieux famés de Rome ;
De leurs biens réunis d’un côté mets la somme,
De l’autre, les biens seuls d’un cocher en faveur,
Et de ces deux métiers vois quel est le meilleur.

Les juges sont assis. Toi, pâle de colère,
D’un client que menace un puissant adversaire,
Tu viens, nouvel Ajax, venger la liberté.
Au siège du préteur Bubulcus est monté :
Allons ! malheureux, parle, échauffe-toi, fulmine ;
Que des cris déchirants te brisent la poitrine,
Pour voir, à ton retour, un futile laurier
Orner de ta maison le rapide escalier.
Que va t’offrir l’ingrat qui te doit d’être libre ?
Cinq bouteilles d’un vin arrivé par le Tibre,
De vieux oignons d’Égypte, un jambon desséché,
Ou quelque vil poisson dans la bourbe pêché ;
Et si, par quatre fois, ta sublime défense,
D’un brillant plaidoyer a rempli l’audience,
Et qu’une pièce d’or te tombe par hasard,
Songe qu’au procureur il en faut une part.
— D’où vient qu’Aemilius, avec moins d’éloquence,
Obtient tout ce qu’il veut ? —Voici la différence :
C’est que, sous son portique, un quadrige pompeux,
Et sa statue équestre, et ce front belliqueux,
Et ce dard qu’il dirige au loin, d’un œil oblique,
Attirent le respect et la faveur publique.
Ce faste a ses dangers : il endetta Paulus,