Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/195

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Va trouver le Gaulois ou plutôt l’Africain.
Eux seuls, à tes pareils, donnent au moins du pain.

Et toi qui sur les bancs d’une nombreuse école,
Exerçant des enfants à l’art de la parole,
Leur apprends à combattre un tyran inhumain,
As-tu donc des poumons ou de fer ou d’airain ?
Ce qu’ils ont lu debout, assis pour le relire,
Cent fois sur le même air ils vont te le redire.
Qui tiendrait, Vettius, à la satiété
D’un si fade aliment si souvent répété ?
Chacun voudrait savoir, en traitant une cause,
Expliquer avec art le but qu’il se propose,
En observer le genre, en exposer les faits,
Et lançant à propos d’inévitables traits,
Se garantir des coups d’un adroit adversaire.
Un seul obstacle arrête, un seul ; c’est le salaire.
— Qu’appelles-tu salaire ? et qu’ai-je appris chez toi ?
— Si tu naquis stupide, est-ce ma faute, à moi ?
En ai-je moins souffert l’ennui périodique
Et de tes arguments et de ta rhétorique,
Lorsque tous les six jours, dans un style banal,
Tu me rompais la tête avec ton Annibal :
« Doit-il, fier du succès de trois grandes batailles, »
De Cannes en vainqueur marcher vers nos murailles ? »
Doit-il, interprétant la volonté des dieux,
» Au fracas de la foudre et des vents furieux, »
Averti du danger qui menace sa tête,
» Replier ses drapeaux battus par la tempête ? »
Que sais-je ? mais voyons : que me demandez-vous ?
Je le donne à l’instant, si de pareils dégoûts,
Son père, parvenant, lui-même, à se défendre,
Aussi souvent que moi se résigne à l’entendre.
Voilà de nos rhéteurs l’unanime refrain ;
Et las de labourer un stérile terrain,
Laissant là Pélias, Jason, Médée, Hélène,