Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/197

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Pour des procès réels ils entrent dans l’arène.
Le rhéteur, cependant, s’il veut changer d’état,
Aurait tort, suivant moi, de se faire avocat ;
Il y perdrait bientôt jusques à la tessère,
De son premier emploi récompense légère ;
Car le peu, quel qu’il soit, qu’on gagne à ce métier,
Est beaucoup pour celui qui le daigne payer.
Regardez Pollion, consultez Chrysogone ;
Voyez pour quel salaire ou plutôt quelle aumône,
Aux nobles héritiers de nos grandes maisons,
De l’art de Théodore ils donnent des leçons !
On n’épargnera rien pour construire un portique ;
Voudrait-on, quand il pleut, qu’un patron magnifique
Attendît, pour sortir, que l’orage eût cessé,
Ou qu’il salît son char dans la bourbe enfoncé ?
Sous un portique au moins une mule élégante,
Conserve le pied sec et la corne luisante.
Vingt colonnes plus loin, s’élançant dans les airs,
D’une salle exposée au soleil des hivers,
De leur marbre pompeux embelliront l’entrée :
C’est la salle, en décembre, aux festins consacrée.
L’officier qui préside à l’ordre des banquets,
Celui dont l’art profond assaisonne les mots,
Ajouteront encore à ces folles dépenses :
Et toi, Quintilien, parmi ces frais immenses,
Deux sesterces au plus acquitteront tes soins.
Riches, ce sont vos fils qui vous coûtent le moins.
—Mais, ce Quintilien, d’où vient donc sa fortune ?
— C’est une exception à la règle commune,
Un caprice du sort. Heureux, l’homme ici-bas
Voit tous les dons en foule accourir sur ses pas ;
Il porte la lunule : il est noble, il est sage.
Heureux, force et beauté lui tombent en partage ;
Heureux, c’est l’orateur, le sophiste en crédit,
Et, fût-il enrhumé, s’il chante on l’applaudit.