Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/229

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SATIRE IX.


D’où te vient, Névolus, cet air morne, abattu,
Plus triste que celui du Marsyas vaincu ?
Ravola, dans l’instant où, la barbe écumante,
Il fut surpris aux pieds de son impure amante,
Pollion lorsqu’en vain, dans son luxe indigent,
Partout, à triple usure, il cherchait de l’argent,
Avaient un air moins sombre et des traits moins livides.
Qui t’a donc tout à coup imprimé tant de rides ?
Chevalier de bon ton et railleur délicat,
Jadis, à peu de frais, content dans ton état,
Par des discours semés de piquantes malices,
De nos joyeux soupers tu faisais les délices.
Quel changement ! tes yeux d’un voile sont chargés :
Ton front est soucieux : tes cheveux négligés :
La gomme ne rend plus ta peau brillante et lisse :
D’une forêt de poils tout ton corps se hérisse :
D’où vient cette maigreur d’un vieillard décharné,
De quatre en quatre jours par la fièvre miné ?
L’habitude du corps est le miroir de l’âme.
La douleur qui l’abat, le plaisir qui l’enflamme,
S’y viennent réfléchir avec fidélité.
Du but où tu marchais tu t’es donc écarté !
Naguère, il m’en souvient, adultère intrépide,
Fameux par plus d’exploits, plus dissolu qu’Aufide,
Tu souillais tour à tour les autels de la Paix,
De la mère des dieux, d’Isis et de Cérès ;
Car quel est le lieu saint, le temple dont, sans crainte,