Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/233

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Vous que ne touche pas le plus humble service,
Vous qui ne donnez rien, pas même à votre vice,
Comment plaindriez-vous de malheureux clients ?
Voilà donc à quel homme il nous faut, tous les ans,
D’un air respectueux, au jour de sa naissance,
Ou lorsque du printemps la saison recommence,
Porter des coupes d’ambre et de riches habits,
Tandis qu’avec langueur, sur un moelleux tapis,
De mars comme une femme observant les calendes,
A l’ombre du mystère, il reçoit nos offrandes !
Pour qui ces prés, ces bois, ces guérets opulents,
Dont l’immense trajet lasserait les milans !
Réponds, efféminé ; c’est pour toi qu’on recueille
Et ces vins qu’on ne boit qu’à la troisième feuille,
Et ceux qui du Gaurus parfument les coteaux ;
Nul, pour ses héritiers, n’enduit plus de tonneaux.
Epuisé que je suis pour tes plaisirs obscènes,
Ne pouvais-tu m’offrir un coin de tes domaines ?
Et le petit manoir, et le rustique enfant,
Et la mère, et le chien, auprès d’eux folâtrant,
Est-ce un legs réservé pour l’infâme Archigalle,
Aux fêtes de Cybèle agitant sa cymbale ?
— Tu demandes toujours ! —Hélas ! c’est mon loyer,
C’est l’esclave gardien de mon humble foyer,
C’est lui qui seul chez moi, tel que l’œil du Cyclope,
Qui tira du danger l’époux de Pénélope,
Demande, et de ses cris sans cesse m’interrompt.
C’est trop peu d’un esclave, il m’en faut un second.
Forcé d’en nourrir deux, l’hiver, que leur dirai-je,
Quand décembre et janvier amèneront la neige ?
Que dirai-je à leurs pieds déchirés et souffrants,
A leur dos inondé par d’humides torrents !
Leur dirai-je : Attendez le retour des cigales ?


Qu’un dévouement sans borne à tes fureurs brutales,
Ne soit point assez dur, assez humiliant,