Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/243

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SATIRE X.


Des plaines de l’Indus, aux campagnes du Tage,
Peu d’hommes, de l’erreur écartant le nuage,
Savent des biens réels discerner les vrais maux ;
Peu savent désirer, savent craindre à propos.
Quels désirs, en effet, dans nos vagues caprices,
Quels projets formons-nous, sous d’assez bons auspices,
Pour ne pas voir bientôt avec d’amers regrets,
Nos efforts et nos vœux couronnés du succès ?
Les dieux, en exauçant d’imprudentes prières,
Souvent ont renversé des familles entières :
Souvent nous n’avons dû qu’à nos propres souhaits,
Et nos maux dans la guerre, et nos maux dans la paix.
L’un, sublime orateur, tonne contre le crime,
Et de son éloquence il devient la victime ;
L’autre croit tout possible aux muscles de son bras,
Et dans ses muscles même il trouve le trépas.
Des richesses surtout la soif insatiable
Prépare au plus grand nombre un destin effroyable ;
Témoins ces jours de sang, où l’ordre de Néron
Fit des Latéranus investir la maison ;
Où l’on vit du tyran les farouches cohortes,
Du palais de Longin environner les portes,
Et, brandissant en l’air leurs glaives assassins,
Du trop riche Sénèque assiéger les jardins.
Rarement le soldat monte au dernier étage.
Toi qui portes la nuit un peu d’or en voyage,
Un souffle, un jonc qui tremble, une ombre te fait peur.