Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/245

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Pauvre, tu chanterais sous les yeux du voleur.

Des vœux dont chaque jour une foule importune,
Dans les temples des dieux fatigue la Fortune,
Le premier, c’est de voir s’accroître nos trésors ;
C’est qu’au forum, parmi tant de lourds coffre-forts,
Nul ne soit aussi grand, aussi plein que le nôtre.
Téméraires mortels, quel délire est le vôtre !
Dans des vases d’argile on boit impunément ;
Mais tremblez, quand dans l’or brille un vin écumant.
Qui donc les blâmerait ces sages de la Grèce,
Dont l’un riait toujours, l’autre pleurait sans cesse ?
Je conçois du premier les sarcasmes moqueurs ;
Mais l’autre, quelle source entretenait ses pleurs ?
Démocrite, en mettant un pied hors de la porte,
Sûr de trouver un fou de l’une ou l’autre sorte,
D’un rire inextinguible éclatait en tons lieux,
La Thrace cependant ne montrait à ses yeux,
Pour exciter sa verve et lui servir de texte,
Tribunal ni faisceaux, litière ni prétexte.
Qu’eût-ce été si, présent aux pompes de nos jeux,
Il eût vu dans le cirque un préteur fastueux,
En triomphe porté sur un char magnifique,
Du souverain des dieux revêtir la tunique,
Rejeter sur l’épaule un superbe manteau,
Et courbé sous le poids d’un énorme bandeau,
Ne porter, qu’avec peine, au milieu de la fête,
Cet ornement trop lourd pour une seule tête ;
S’il eût vu, sur son front, d’un bras ferme et tendu,
Un esclave tenir ce fardeau suspendu,
Et placé près de lui sur son char de victoire,
Avertir le consul du néant de la gloire ?
Ajoutez à ces traits l’aigle qui, dans ses mains,
Sur un sceptre d’ivoire, éblouit les Romains ;
D’un côté, les clairons, de l’autre, le cortège
Qui, de le précéder, brigue le privilège,