Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/259

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Qui, les verges en main, plus sévère qu’Éole,
S’arma contre l’Eurus d’une rigueur frivole,
Et donna des fers même au maître du trident
Trop heureux d’éviter l’affront du fer ardent !
Comment se sauva-t-il ? sur une seule barque,
(Quels dieux auraient voulu servir un tel monarque ! )
A travers les débris dont les flots sont couverts,
Vaincu, forcé de fuir, il repasse les mers,
Et de son frêle esquif, poussé vers le rivage,
La proue entre les morts s’ouvre à peine un passage.
O gloire ! voilà donc quels cruels châtiments,
Pour prix de tant de vœux, attendent tes amants !

Jupiter, de mes jours prolonge la carrière !
Telle est souvent encor la fervente prière
Qu’heureux ou malheureux, l’homme adresse aux autels.
Que de maux cependant, trop aveugles mortels,
Que de cruels chagrins ne viennent pas sans cesse
Assiéger les longs jours d’une lente vieillesse ?
D’abord, c’est un air sombre, un visage amaigri,
Un teint méconnaissable, un cuir rude et flétri,
Une lèvre pendante, et des rides si creuses,
Que vous diriez les peaux arides et calleuses
Que s’épluche au soleil, sur les bords du Tusca,
Une vieille guenon du bois de Tabraca.
Mille dons variés nuancent le jeune âge ;
L’un a plus de beauté, plus de grâce en partage,
L’autre plus de vigueur ; également hideux,
Les vieillards seuls n’ont rien qui les distingue entre eux.
Vois ce frêle squelette, à la marche pesante,
Chauve, le nez humide et la voix tremblotante ;
Vois ce pain qu’en souffrant il ne rompt qu’à moitié,
Sous sa gencive à nu péniblement broyé.
A charge à son épouse, à ses fils, à lui-même,
Tout le fuit, et Cossus, malgré le zèle extrême
Qu’en habile flatteur, il met à le capter,