Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Du bûcher d’Antiloque il voit briller la flamme.
O mes amis, dit-il, par quel crime odieux
Excitant contre moi la vengeance des dieux,
Ai-je de tant de jours mérité le supplice ?
Tel Laërte gémit sur l’absence d’Ulysse :
Tel l’époux de Thétis, détestant les combats,
D’Achille assassiné déplore le trépas.
Des fils d’Assaracus, sur les rivages sombres,
Priam avec honneur eût abordé les ombres ;
Le noble Hector, suivi de ses frères en deuil,
Jusqu’au tombeau des rois eût porté son cercueil,
Et, les cheveux épars, Polyxène et Cassandre
Eussent en soupirant accompagné sa cendre :
C’est ainsi que Priam eût rejoint ses aïeux,
S’il eût perdu la vie avant que, sous ses yeux,
Paris, accomplissant un dessein téméraire,
Achevât les apprêts de sa flotte adultère.
De quoi lui servira que l’arrêt du destin,
De sa longue carrière ait retardé la fin ?
Au milieu des débris de sa ville embrasée,
Il voit l’Asie en feu sous son trône écrasée.
En vain de la tiare écartant les bandeaux,
Il charge encor son front du casque des héros.
Soldat faible et tremblant, ceint d’un glaive inutile,
Tel qu’un bœuf aux travaux désormais inhabile
Qui sous le fer ingrat baisse un cou languissant,
Il tombe, et les autels sont rougis de son sang.
Priam, dans cette triste et fatale journée,
D’un homme, en expirant, subit la destinée ;
Mais comment, sans horreur, voir, par des hurlements,
Hécube furieuse exprimer ses tourments ?

Je laisse Mithridate et ce roi de Lydie
Qui reçut de Solon cette leçon hardie,
Qu’un mortel, quel qu’il soit, avant son dernier jour,
Ne saurait se flatter d’un bonheur sans retour.