Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/269

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Lucrèce te défend d’envier ses appas ;
Et, maudissant les siens, la triste Virginie
Leur aurait préféré la bosse d’Ogulnie !
Que je te plains, ô toi, dont le fils, en naissant,
Reçut de la beauté le dangereux présent !
Les mœurs et la beauté n’habitent guère ensemble.
En vain autour de lui ta maison ne rassemble
Qu’exemples de vertu, qu’images de pudeur :
En vain ce front modeste où siège la candeur,
Montre dans tous ses traits une âme chaste et pure ;
Qu’eût fait de plus pour lui l’indulgente nature
Dont l’empire est plus doux, plus puissant sur nos cœurs,
Que toutes les leçons et tous les gouverneurs ?
Il cessera d’être homme ; il verra sa jeunesse,
Sa beauté mise à prix ; il verra la richesse,
Tant l’or à son pouvoir croit que tout doit céder,
A ses propres parents venir le marchander.
Étaient-ils contrefaits, sans grâce, sans figure,
Ces jeunes gens qu’au gré d’une infâme luxure,
Des tyrans façonnaient à leurs goûts dépravés ?
Et ces adolescents sous la pourpre enlevés,
Ces fils de sénateurs, dont, malgré leur naissance,
Néron prostituait le sexe et l’innocence,
Étaient-ils ou rongés par d’impures humeurs,
Ou boiteux, ou couverts de hideuses tumeurs ?

Triomphe, père aveugle, à l’aspect de ces charmes
Qui bientôt à ton fils coûteront tant de larmes.
Tu le verras, bravant la fureur des jaloux,
Adultère banal expirer sous leurs coups.
Aurait-il, plus que Mars, le rare privilège,
De tromper les Vulcains et d’éviter leur piège ?
Qu’il tremble alors : l’époux outragé dans ses droits,
Ne s’arrêtera point dans les bornes des lois.
Pour punir l’insolent surpris dans son asile,
Il emploiera le fer, les verges, le mugile.