Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/35

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Tout à coup vit éclore une race nouvelle,
Tout ce qui meut le cœur des fragiles humains,
Espoir, crainte, colère, amour, plaisirs, chagrins,
L’orgueil et ses projets, la gloire et son délire,
Tel est le vaste champ que m’ouvre la satire.
Et quel siècle jamais dans le vice entraîné,
Vit prendre à la débauche un cours plus effréné ?
L’avarice creuser de plus profonds abîmes,
Et la fureur du jeu conseiller plus de crimes ?
C’est peu que d’exposer sa bourse aux coups du sort :
On fait au rendez-vous traîner son coffre-fort.
Les instruments sont prêts. Ô fureur ! ô démence !
Malheureux ! quoi tu perds ce monceau d’or immense,
Et tu laisses chez toi tes esclaves, l’hiver,
Exposés sans tunique à la rigueur de l’air !

Voyait-on en jardins, en maisons de plaisance,
Nos aïeux étaler tant de magnificence,
Et sept fois, pour eux seuls, Lucullus clandestins,
Renouveler les mets de leurs pompeux festins
Voyait-on leurs clients, au seuil du vestibule,
Venir comme aujourd’hui s’arracher la sportule ?
Encor veut-on connaître, avant de rien livrer,
La figure et les noms de ceux qu’on voit entrer,
Et des fils d’Ilion, se pressant à la porte,
Le patron fait par ordre appeler la cohorte ;
Car des grands avec nous la foule y court à jeun.
Sers d’abord le préteur  : donne ensuite au tribun ;
Mais Dave est le premier et ne doit pas attendre.
Oui, dit-il, c’est ma place et je veux la défendre.
Des rives de l’Euphrate où je fus élevé,
L’oreille encor saignante, en ces murs arrivé,
En vain je le nierais ; mais cinq divers commerces
Me rendent tous les ans quatre cents grands sesterces.
Que me vaudraient de plus la pourpre et les faisceaux,
Quand Titus d’un fermier fait paître les troupeaux ?