Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/359

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Sans doute ce canton n’est point civilisé ;
Mais si mes propres yeux ne m’ont point abusé,
En fait d’impurs plaisirs et de débauche extrême,
Il ne le cède pas à Canope elle-même.
Ajoutez que surpris, ivres et chancelants,
Tout secondait contre eux l’effort des assaillants.
Là, sans songer à rien, une foule en cadence,
Autour d’un noir flutteur, formant des chœurs de danse,
Des tables, des parfums, des guirlandes de fleurs :
Ici la haine à jeun méditant ses fureurs.
Des deux côtés d’abord, on s’échauffe, on s’outrage :
C’est, faute de clairon, le signal du carnage.
La main tient lieu de traits ; on se frappe à grands cris.
Tous les nez, tous les fronts sont cassés ou meurtris.
On ne voit plus partout que cervelle entamée,
Oreilles en lambeaux, mâchoire désarmée ;
Jeux d’enfants toutefois, ridicules débats !
Si personne ne meurt, à quoi bon ces combats ?
De la sédition armes plus familières,
Enfin de toutes parts volent, sifflent les pierres ;
Non point ces lourds rochers qu’aux jours de nos aïeux,
Se lançaient des héros, nobles enfants des dieux,
Un Turnus, un Ajax, et le fier Diomède,
Lorsque Enée appelait tout le camp à son aide.
Les pierres dont ce peuple emprunte le secours,
Sont telles qu’il les faut à des bras do nos jours.
La race des mortels décroît et dégénère.
Elle s’affaiblissait déjà, du temps d’Homère,
Et la terre, aujourd’hui, de ses flancs énervés
Ne produit que des nains frêles et dépravés.
Aussi, lorsque du haut de la voûte céleste,
Un dieu les voit aux mains, il rit et les déteste.

Mais revenons aux faits : tremblant, vaincu d’abord,
Le peuple de Tentyre a reçu du renfort.
Du glaive et de la flèche il s’arme avec audace,