Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/367

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Et d’inventer les arts et de les cultiver.
Car jusqu’aux immortels lui seul peut s’élever ;
Différent en cela de la brute grossière
Qui végète, le front courbé vers la poussière.
Celui par qui le monde est sorti du chaos,
Ne donna que la vie aux autres animaux.
Il nous donna de plus une âme intelligente,
Afin que, se prêtant une main indulgente,
Les faibles et les forts unis par la bonté,
Pussent former les nœuds de la société.
C’est alors qu’on les vit, moins grossiers que leurs pères,
Déserter des forêts les sauvages repaires ;
Se rassembler, s’unir sous l’empire des lois,
Se bâtir des maisons, et, rapprochant leurs toits,
Goûter plus sûrement, sous un commun asile,
Les paisibles douceurs d’un sommeil plus tranquille.
C’est alors qu’on les vit, les armes à la main,
Se porter au secours d’un ami, d’un voisin,
Combattre à ses côtés et panser ses blessures ;
Ou vengeant en commun de communes injures,
Au bruit du même airain, près du même étendard,
Se défendre ou mourir sur le même rempart.

Aujourd’hui les serpents que leur instinct rassemble,
Moins féroces que nous, s’accordent mieux ensemble.
La bête en son espèce épargne au moins ses traits :
Près du tigre en fureur, le tigre habite en paix.
L’ours n’attaque point l’ours. Le sanglier sauvage
D’un autre sanglier n’éprouve point la rage :
Et le jeune lion, avec tranquillité,
Près d’un lion plus fort, repose en sûreté.
Hélas ! c’était donc peu que l’homme sacrilège,
De ses arts contre lui tournât le privilège !
Qu’en instruments de mort il changeât les métaux !
Lorsque, pour façonner la bêche et les râteaux,
Les forges sans relâche autrefois occupées,