Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/69

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D’un combat inégal qui ne craindrait l’issue ?
Il est bien plus adroit celui qui, nuit et jour,
À son riche patron prêt à faire la cour,
Compose sur le sien son geste et son langage,
Lui jette avec amour des baisera au passage,
Le vante à tout propos, et lui fait compliment
S’il a roté sans peine, ou p… largement,
Ou du jet d’une selle à grand bruit expulsée,
Rempli le bassin d’or de sa chaise percée.
Rien de sacré d’ailleurs pour cet homme effronté,
Rien qui soit un obstacle à sa lubricité.
Il ne respectera de toute la famille,
La femme, ni l’époux, ni le fils, ni la fille,
Ni même la grand’mère. Insidieux serpent,
Dans les secrets du maître il se glisse en rampant ;
Et c’est par là bientôt qu’il sait se faire craindre :
Puisqu’il s’agit des Grecs, achevons de les peindre.
Montrons-les revêtus d’un plus grave manteau.
Baréas va tomber sous le fer du bourreau ;
Quel est son délateur ? frémissez de l’entendre :
C’est celui dont la voix aurait dû le défendre,
Le sage Egnatius, ce fier stoïcien,
Ce vieillard au front chauve, au sévère maintien,
Son maître, son ami. Vous m’en croiriez à peine ;
Mais le monstre naquit aux rives d’Hyppocrène.
Gardons-nous de paraître où les Grecs sont admis ;
Ils ne partagent pas le cœur de leurs amis ;
Et dès qu’un Protogène, un Hœmus, un Diphile,
Approchant du patron l’oreille trop facile,
A pu de son pays y verser le poison,
Il nous faut à l’instant déserter la maison.
Adieu tous nos travaux, adieu tous nos services :
On ne s’en souvient plus. De tous les sacrifices,
C’est celui d’un client qu’on regrette le moins.
Mais ne nous flattons pas : quels services, quels soins