Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/97

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De blâmer les rigueurs d’un règne désastreux,
Et d’oser faire entendre un conseil généreux ?
Mais quoi de plus cruel, de plus inexorable
Que l’oreille d’un maître à tel point irritable,
Qu’il suffisait d’un mot sur la pluie ou l’hiver,
Pour lui faire immoler son ami le plus cher ?
Incapable d’aller, aux dépens de sa vie,
Défendre ouvertement la vérité trahie,
Crispus contre le flot ne roidit point les bras.
Voilà comme, au milieu de tant d’assassinats,
Tranquille et sans danger au bord des précipices,
Il parvint à compter quatre fois vingt solstices.
Egalement discret et d’un âge pareil,
Glabrion sur ses pas accourait au conseil :
Son fils l’accompagnait, son fils qui, jeune encore,
Quand de la vie à peine il voit briller l’aurore,
Sans doute se croit loin de son terme fatal ;
Mais sa tête est promise au glaive impérial.
Dans la noblesse alors on ne vieillissait guère,
Et j’eusse des géants aimé mieux être frère.
Infortuné jeune homme, hélas ! c’est donc en vain
Que dans l’arène d’Albe, une lance à la main,
Pour calmer du tyran la fureur homicide,
On t’a vu lutter seul contre un lion numide.
Cette feinte démence admirée autrefois,
Dans un siècle ignorant pouvait tromper les rois ;
Mais, Brutus, quel Tarquin, s’y méprenant de même,
Serait dupe aujourd’hui de ton vieux stratagème ?

 

Rubrius, quoique né dans le rang le plus bas,
D’un air non moins troublé, précipitait ses pas.
Coupable d’une offense ancienne et qu’il faut taire,
Il ne s’en montre pas un censeur moins austère ;
Tel naguère un tyran, monstre d’impureté,
Lançait contre nos mœurs un libelle effronté.
Montane entre à son tour et s’avance avec peine,