Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/99

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Chargé d’un embonpoint dont le fardeau le gène.
Puis paraît Crispinus, dès l’aube parfumé :
Vous diriez les odeurs d’un cadavre embaumé.
Ensuite vient Rufus dont la sourde imposture,
D’un mot qu’avec mystère à l’oreille il murmure,
Sait dans l’ombre et sans bruit égorger ses rivaux ;
Et ce Cornélius qui, loin de nos drapeaux,
Instruit dans sa campagne au grand art des batailles,
Sur l’Hémus aux vautours doit porter ses entrailles ;
Et l’adroit Véienton, et Catullus enfin,
Cet aveugle flatteur, ce perfide assassin,
Qui, dans la folle ardeur de son âme éperdue,
Adore une beauté que jamais il n’a vue,
Monstre insigne parmi tant de monstres divers,
Et remarquable même en ce siècle pervers.
D’ignoble mendiant il devint satellite,
Et le sort l’eût traité par delà son mérite,
Si d’Aricie encore, avec d’humbles regards,
De baisers gracieux il poursuivait les chars.
Personne plus que lui, ravi d’un tel spectacle,
N’affecte en ce moment de crier au miracle.
Le turbot est à droite, et, d’un air étonné,
A gauche justement Catullus est tourné.
C’est ainsi qu’autrefois, juge absurde et risible,
Au cirque et sur la scène à ses yeux invisible,
Il portait jusqu’aux cieux et le jeu de l’acteur
Et l’art du machiniste et les coups du lutteur.
Mais tel qu’un fanatique agité par Bellone,
A de plus grands transports Véienton s’abandonne.
Prince, écoutez, dit-il, les arrêts du destin.
Voici d’un grand triomphe un présage certain.
Le monstre n’est point né dans les mers d’Étrurie.
Voyez-vous de ses dards les pointes en furie,
Et cet aspect sauvage et ce dos hérissé ?
C’est du trône breton Arviragus chassé,