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TROIS PARMI LES AUTRES

aux paroles d’Antoinette. Je vous crois sincère. On est toujours sincère quand on dit des bêtises. Pardonnez-moi, n’est-ce pas, mais nous discutons librement ?

— Bien entendu. Mais encore… Par librement, vous entendez sans doute que nous ne sommes pas tenus à des politesses de convention. D’accord, Mais avez-vous vu souvent un homme et une femme discuter librement en matière d’amour ?

— Que voulez-vous dire ?

— Vous vous croyez libre et vous ne l’êtes pas. Vous n’êtes pas plus libre de discuter de l’amour avec moi qu’un prêtre n’est libre de discuter de la croyance avec une pénitente révoltée. Même si mes raisons vous paraissent justes, vous seriez obligé de me donner tort. Quant à moi, si je me croyais libre…

— Vous êtes pleine de réticences et de mystère aujourd’hui, Antoinette. Mais j’aime encore mieux votre mystère que votre logique. Vous dites que l’amour est l’ennemi des femmes, et vous avouez que la plupart l’aiment. Après, vous vous posez en soldat conscient et révolté, et qui pourtant se fait tuer sur la brèche. Si votre conviction était bien profonde vous refuseriez l’obéissance, il me semble ?

— Ah ! s’écria douloureusement Antoinette, le moyen de ne pas obéir.

— Oui, le moyen ! soupira Annonciade, écho fidèle, comme au temps où son approbation doublait toutes les paroles de son amie.

— Avec cela, vous prétendez que nous ne pouvons pas discuter librement. Cependant, quand vous poignardez avec votre ami Polygone les