Page:Ravaisson - La Philosophie en France au XIXe siècle, 1895.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
LA PHILOSOPHIE EN FRANCE

VII

La doctrine fondée par Auguste Comte sous le nom de philosophie positive ou de positivisme eut une double origine, d’une part les théories saint-simoniennes, de l’autre celles des phrénologistes et particulièrement de Broussais. Auguste Comte se proposa toujours pour but principal, avec Saint-Simon, la découverte du meilleur ordre social, la constitution de ce qu’il appelait la Sociologie. En même temps il voulut donner pour base à son système sociologique un système scientifique universel, peu différent dans ses principes de celui de Broussais ; à quoi il faut ajouter néanmoins que ce dernier, peu conséquent, en ce point essentiel, à ses principes, ne se refusa jamais à admettre une cause première de la nature, tandis que l’objet principal de l’auteur du positivisme fut d’abord l’abolition de toute idée de cause première.

Auguste Comte, jeune encore, commença par s’associer à ce projet de Saint-Simon de fonder, sur les ruines de la société du moyen âge, une société nouvelle, dont l’industrie serait la base, et le but unique la félicité sur cette terre. En 1825, il coopéra avec lui à la publication du Catéchisme des industriels. Dès lors pourtant le disciple se distinguait du maître en ce que, au lieu d’accorder avec celui-ci la prépondérance à la classe des producteurs de l’ordre matériel, celui-là, mathématicien fort instruit, réclamait le premier rang pour la science.

Saint-Simon, dans son système, donnait un rôle important au sentiment, auquel il rapportait la religion. Sur cet article aussi Auguste Comte ne le suivait point. Son maître, en louant d’ailleurs le travail qu’il avait publié dans le Catéchisme des industriels, sous le titre de Système de politique positive, y trouvait à redire que son auteur se fût placé au point de vue