Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v1.djvu/45

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en état de prêter de l’argent au marchand & aux autres citoyens ; mais en exigeant un bénéfice proportionné au riſque que couroient ces fonds, en ſortant de leurs mains. Les ſcholaſtiques s’élevèrent avec fureur contre une pratique néceſſaire, que proſerivoient leurs barbares préjugés. Cette déciſion théologique ſur un objet civil & politique, eut d’étranges ſuites. Le magiſtrat entraîné par une autorité qu’en n’oſoit pas juger, même lorſqu’elle étoit injuſte, prononça des conſiſcations & des peines infamantes contre l’uſure, que dans ces tems d’aveuglement les loix confondoient avec l’intérêt le plus modéré. Ce fut à cette époque que les Juifs, pour ſe dédommager des dangers & des humiliations qu’ils avoient continuellement à craindre dans un trafic regardé comme odieux & criminel, ſe livrèrent à une avidité qui n’eut plus de bornes. Il leur fallut ajouter au prix de l’argent qui peut s’eſtimer par le beſoin de celui qui prête, par le crédit de celui qui emprunte, par une infinité d’autres circonſtances, le prix de l’infamie qui eſt de peu de choſe, ou que rien au monde ne peut compenſer. Toutes les nations les déteſtèrent.