Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/101

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pour ainſi dire au milieu de nous, un tribunal perpétuel qui en démontrât la dépravation & l’abſurdité.

Cependant, ſi les jouiſſances du luxe venoient à pervertir entièrement les mœurs nationales ; ſi l’amour des plaiſirs amolliſſoit le courage des chefs & des officiers dans les flottes & dans les armées ; ſi l’ivreſſe des ſuccès momentanés ; ſi les vaines idées d’une fauſſe grandeur expoſoient la nation à des entrepriſes plus vaſtes que ſes forces ; ſi elle ſe trompoit dans le choix de ſes ennemis ou de ſes alliés ; ſi elle perdoit ſes colonies à force de les étendre ou de les gêner ; ſi l’amour du patriotiſme ne s’exaltoit pas chez elle juſqu’à l’amour de l’humanité : elle ſeroit tôt ou tard aſſervie elle-même, & retomberoit dans ce néant des choſes & des hommes, d’où elle n’eſt ſortie qu’a travers des torrens de ſang, & par les calamités de deux ſiècles de fanatiſme & de guerre. Ce peuple reſſembleroit à tant d’autres qu’il mépriſe, & l’Europe ne pourroit montrer à l’univers une nation dont elle osât s’honorer. Le deſpotiſme, qui s’appeſantit univerſellement ſur les âmes affaiſſées & dégradées, léveroit ſeul