Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/192

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façade d’intérêts opposés aux miens me preſſent, & je les repouſſe. J’ai paſſé les limites de l’eſpace que j’appelle ma patrie, on me regarde avec inquiétude ; on s’approche de moi ; on m’interroge ; qui es-tu ? d’où viens-tu ? où vas-tu ? J’obtiens un lit, & j’allois prendre un peu de repos, lorſqu’un cri ſubit me force de m’éloigner. Je ſuis proſcrit, ſi je reſte ; & demain des aſſaſſins, qui parlent ma langue, incendieront l’aſyle où je fus reçu, égorgeront celui qui me traita comme un concitoyen. La curioſité ou le déſir de m’inſtruire me promène dans une autre contrée ; je l’obſerve, je deviens ſuſpect, & un eſpion s’attache à mes pas. Ai-je le malheur d’adorer Dieu à ma manière qui n’eſt pas celle du pays ? le prêtre & le bourreau m’environnent ; je m’enfuis, en diſant avec douleur : la paix ! Cette paix ſi déſirée n’exiſte donc nulle part ?

Cependant l’homme de bien a ſes rêves ; & j’avouerai que, témoin des progrès des connoiſſances qui ont affoibli tant de préjugés, & porté dans les mœurs tant de douceur, je m’écriai : que l’eſprit de diſcorde ceſſe ou ſe perpétue entre les nations,