Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/282

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d’une joie féroce qui ſe manifeſtoit par les plus vifs tranſports. Ils étoient cruels & homicides. Un ennemi plus heureux, plus fort ou plus hardi pouvoit ravir à ſon tour leur proie, leur liberté, leur vie : mais la vue d’un péril ſi ordinaire ne ralentiſſoit ni leur avarice, ni leur rage. Cette frénéſie n’étoit pas nouvelle. On l’avoit connue dans les ſiècles les plus reculés. Elle s’étoit perpétuée d’âge en âge. Toujours l’homme, même ſans être preſſé par l’aiguillon indomptable de la faim, cherche à dévorer l’homme. Cependant la calamité qu’on déplore ici n’étoit jamais montée au point où nous l’avons vue. L’activité de la piraterie a augmenté à meſure que les mers ont fourni plus d’alimens à ſon avidité, à ſon inquiétude.

Les nations ne ſe convaincront-elles donc jamais de la néceſſité de mettre fin à ces barbaries ? Un frein qui les arrêteroit ne ſeroit-il pas d’une utilité ſenſible ? Pourquoi faut-il que les denrées des deux mondes ſoient abymées dans les gouffres de l’océan avec les bâtimens qui les tranſportent, ou qu’elles ſervent d’aliment aux vices & aux débauches de quelques vagabonds ſans mœurs