Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/294

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tifiés, & avoient couru avec une audace extraordinaire ſur l’ennemi commun. Ils formoient entre eux de petites ſociétés de cinquante, de cent, de cent cinquante hommes. Une barque plus ou moins grande, c’étoit-là toute leur force navale. À peine pouvoit-on s’y coucher ; & rien n’y mettoit à l’abri des ardeurs d’un climat brûlant, des pluies qui tombent en torrens dans ces parages. Souvent on y manquoit des premiers ſoutiens de la vie. Mais à la vue d’un navire, tant de calamités étoient oubliées. De quelque grandeur qu’il fut, les Flibuſtiers alloient ſans délibérer à l’abordage. Dès que le grapin étoit une fois jeté, c’étoit un vaiſſeau enlevé.

Dans un beſoin extrême, ces brigands attaquoient toutes les nations, & l’Eſpagnol en quelque moment que ce fût. Ils fondoient la haine implacable qu’ils lui avoient jurée, ſur les cruautés que ce peuple avoit exercées contre les Américains. Mais à cette ſingulière humanité ſe joignoit un reſſentiment perſonnel, la douleur de ſe voir interdire dans le Nouveau-Monde la chaſſe & la pêche qu’ils croyoient avec raiſon de droit naturel. Tel étoit leur aveuglement,