Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/301

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des femmes, de toutes les débauches, étoit portée à des excès qui ne finiſſoient qu’avec l’abondance. La mer revoyoit ſans habits, ſans vivres, abſolument ruinés, des hommes qu’elle venoit d’enrichir de pluſieurs millions. Les nouvelles faveurs qu’elle leur prodiguoit, avoient la même deſtinée. Si l’on demandoit à ces inſensés quel plaiſir ils trouvoient à diſſiper ſi rapidement ce qu’ils avoient acquis avec tant de riſque, ils répondoient ingénument : « Exposés comme nous le ſommes à une infinité de dangers, notre ſort eſt bien différent de celui des autres hommes. Aujourd’hui vivans, demain morts, que nous importe d’amaſſer ? Nous ne comptons que ſur le jour où nous vivons, jamais ſur celui que nous avons à vivre. Notre ſoin eſt plutôt de conſumer la vie que de la conſerver ».

Les colonies Eſpagnoles, qui s’étoient flattées que leurs malheurs auroient un terme, déſeſpérées de ſe voir continuellement la proie de ces brigands, ſe dégoûtèrent de la navigation. Elles ſacrifièrent ce que leur liaiſon leur procuroit de force, de commodités, de richeſſes, & formèrent preſque