Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/332

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moins habiles qu’eux. Étoit-ce l’avarice ? Ils n’auroient pas diſſipé en un jour le butin d’une campagne. Comme ils n’avoient pas proprement une patrie, ce n’étoit point à ſa défenſe, à ſon agrandiſſement, à ſes vengeances, qu’ils ſe dévouoient. L’amour de la gloire, s’ils l’avoient connue, les auroit préſervés de cette foule d’atrocités & de crimes, qui offuſquoient l’éclat de leurs plus grandes actions. L’eſpoir du repos ne précipita jamais dans des travaux continuels, dans des dangers inexprimables.

Quelles furent donc les cauſes morales qui donnèrent aux Flibuſtiers une exiſtence ſi ſingulière ? Cette terre où la nature ſembloit avoir condamné toutes les paſſions turbulentes à un ſilence perpétuel ; où les hommes avoient beſoin de ſe réveiller d’une léthargie habituelle, par l’ivreſſe & l’intempérance des feſtins, où ils vivoient contens de leur repos & de leur ennui : cette terre ſe trouve tout-à-coup habitée par un peuple bouillant & impétueux, qui ſemble reſpirer avec l’air d’une atmoſphère brûlante l’excès de tous les ſentimens, le délire de toutes les paſſions. Tandis qu’un ciel de feu