Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/98

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prendre leur langue & s’en faire entendre ? Si c’eſt par enthouſiaſme de religion : quel plus terrible reſſort peut-on imaginer que celui-là ? Si c’eſt par reſpect pour un vœu d’obéiſſance à des ſupérieurs qui vous diſent va, & auxquels on ne ſauroit ſans parjure & ſans apoſtaſie demander raiſon de leurs ordres : que ne peuvent point, ſoit pour ſervir, ſoit pour nuire, des maîtres hypocrites ou ambitieux qui commandent ſi deſpotiquement & qui ſont ſi aveuglément obéis ? Si c’eſt par un ſentiment profond de commisération pour une portion de l’eſpèce humaine que l’on s’eſt proposé d’arracher à l’ignorance, à la ſtupidité & à la misère : je ne connois pas une vertu plus héroïque. Quant à la confiance avec laquelle ces hommes rares persévèrent dans une carrière auſſi rebutante, j’aurois pensé qu’à force de vivre avec des ſauvages, ils le devenoient eux-mêmes ; & je me ſerois trompé dans ma conjecture. C’eſt de toutes les vanités humaines la plus louable qui les ſoutient.

» Mon ami, me diſoit un vieux miſſionnaire qui avoit vécu trente ans au milieu des forêts, qui étoit tombé dans un profond