Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/198

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grand mobile entre des mains habiles. On s’en ſerviroit pour établir des fêtes, des jeux, des prix. Ces amuſemens économisés avec intelligence, empêcheroient la ſtupidité ſi ordinaire dans les eſclaves, allégeroient leurs travaux, & les préſerveroient de ce chagrin dévorant qui les conſume & abrège leurs jours. Après avoir pourvu à la conſervation des noirs apportés d’Afrique, on s’occuperait de ceux qui ſont nés dans les iſles même.

Ce ne ſont pas les nègres qui refuſent de ſe multiplier dans les chaînes de leur eſclavage. C’eſt la cruauté de leurs maîtres qui a ſu rendre inutile le vœu de la nature. Nous exigeons des négreſſes des travaux ſi durs, avant & après leur groſſeſſe, que leur fruit n’arrive pas à terme, ou ſurvit peu à l’accouchement. Quelquefois même on voit des mères déſeſpérées par les châtimens que la foibleſſe de leur état leur occaſionne, arracher leurs enfans du berceau pour les étouffer dans leurs bras, & les immoler avec une fureur mêlée de vengeance & de pitié, pour en priver des maîtres barbares. Cette atrocité, dont toute l’horreur retombe ſur