Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

entre les hommes, leur apprend à ſe reſpecter davantage. Élevés ſans connoître la peine ni le travail, ils ne ſavent, ni ſurmonter un obſtacle, ni ſupporter une contradiction. La nature leur a tout donné, & la fortune ne leur a rien refusé. À cet égard, ſemblables à la plupart des rois, ce ſont des êtres malheureux, de n’avoir jamais éprouvé l’adverſité. Sans le climat qui les porte violemment à l’amour, ils ne goûteroient aucun vrai plaiſir de l’âme : encore n’ont-ils guère le bonheur de concevoir de ces paſſions qui, traversées par les obſtacles & les refus, ſe nourrirent de larmes, & vivent de vertus. Sans les loix de l’Europe qui les gouvernent par leurs beſoins, & répriment ou gênent leur exceſſive indépendance, ils tomberoient dans une molleſſe qui les rendroit tôt ou tard les victimes de leur propre tyrannie, ou dans une anarchie qui bouleverſeroit tous les fondemens de leur ſociété.

Mais s’ils ceſſoient un jour d’avoir des nègres pour eſclaves, & des rois éloignés pour maîtres, ce ſeroit peut-être le peuple le plus étonnant qu’on eût vu briller ſur