Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/414

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plus rigide équité. Les progrès de ce ſingulier établiſſement furent ſi conſidérables, que quelques relations n’ont pas craint d’y compter juſqu’à dix mille blancs, juſqu’à vingt mille noirs. Le calcul d’une pareille population, ſur un terrein de deux lieues de long & d’une de large, fut-il très-exagéré, n’en ſuppoſe pas moins un effet extraordinaire, mais infaillible, de la proſpérité qui ſuit la vertu dans les ſociétés bien policées.

Cependant la vertu même ne met ni l’homme iſolé, ni les peuples, à l’abri des fléaux de la nature, ou des injures de la fortune. En 1689, une affreuſe mortalité moiſſonna la moitié de cette heureuſe peuplade. Une eſcadre Françoiſe y porta le ravage en 1706, & lui ravit trois ou quatre mille eſclaves. L’année ſuivante, la ruine de cette iſle fut conſommée par le plus furieux ouragan dont on ait conſervé le ſouvenir. Depuis cette ſuite de déſaſtres, elle s’eſt un peu relevée. On y voit ſix cens hommes libres & cinq mille eſclaves, dont les impoſitions ne paſſent pas 45 000 livres, & qui envoient à l’Angleterre trois ou quatre millions peſant de ſucre brut, que les navigateurs chargent en