Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/91

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Quoi, la nature de la propriété n’eſt pas la même par-tout, par-tout fondée ſur la priſe de poſſeſſion par le travail, & ſur une longue & paiſible jouiſſance ! Européens, pouvez-vous nous apprendre à quelle diſtance de votre séjour ce titre ſacré s’anéantit ? Eſt-ce à vingt pas ? eſt-ce à une lieue ? eſt-ce à dix lieues ? Non, dites-vous. Hé bien, ce ne ſeroit donc pas à dix mille lieues. Et ne voyez-vous pas que ce droit imaginaire que vous vous arrogez ſur un peuple éloigné, vous le conférez à ce peuple éloigné ſur vous ? Cependant que diriez-vous, s’il pouvoit arriver que le ſauvage entrât dans votre contrée, & que, raiſonnant à votre manière, il dit : cette terre n’eſt point habitée par les nôtres, donc elle nous appartient ? Vous avez l’Hobbiſme en horreur dans votre voiſinage ; & ce funeſte ſyſtême, qui fait de la force la ſuprême loi, vous le pratiquez au loin. Allez ! après avoir été des voleurs & des aſſaſſins, il ne vous reſtoit plus que d’être d’exécrables ſophiſtes ; & vous l’êtes devenus. D’après ces principes, que les eſprits juſtes & les cœurs droits réprouveront toujours, Sainte-Lucie devoit appartenir à toute puiſ-