Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/144

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entier ; ſous le poids des canots, des vivres, des marchandiſes qu’il falloit voiturer ſur les épaules dans les portages, où la rapidité, le peu de profondeur des eaux obligent de quitter les rivières pour aller par terre ; à travers de tant de dangers & de fatigues, on perdoit beaucoup de monde. Il en périſſoit dans les neiges, ou dans les glaces ; par la faim, ou par le fer de l’ennemi. Ceux qui rentroient dans la colonie avec un bénéfice de ſix ou ſept cens pour cent, ne lui devenoient pas toujours plus utiles ; ſoit parce qu’ils s’y livroient aux plus grands excès ; ſoit parce que leur exemple inſpiroit le dégoût des travaux aſſidus. Leurs fortunes ſubitement amaſſées, diſparoiſſoient auſſi vite : ſemblables à ces montagnes mouvantes, qu’un tourbillon de vent élève & détruit tout-à-coup dans les plaines ſablonneuſes de l’Afrique. La plupart de ces coureurs, épuisés par les fatigues exceſſives de leur avarice, par les débauches d’une vie errante & libertine, traînoient dans l’indigence & dans l’opprobre une vieilleſſe prématurée. Le gouvernement ouvrit les yeux ſur ces inconvéniens, & donna une nouvelle direction au commerce des pelleteries.