Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Auſſi-tôt il dirigea ſes voiles vers les climats où la fable avoit placé la fontaine de Jouvence, & trouva la Floride, d’où il revint à Porto-Rico ſenſiblement plus vieux qu’il n’en étoit parti, C’eſt ainſi que le haſard immortaliſa le nom d’un aventurier, qui ne fit une véritable découverte qu’en courant après une chimère. Il eut le ſort de l’alchymiſte qui cherche de l’or qu’il ne trouve pas, & qui trouve une choſe précieuſe qu’il ne cherchoit pas.

Preſque tout ce que l’eſprit humain a inventé d’utile & d’important, a été le fruit d’une inquiétude vague, plutôt que d’une induſtrie raiſonnée. Le haſard, qui eſt le cours inaperçu de la nature, ne ſe repoſe jamais, & ſert indiſtinctement tous les hommes. Le génie ſe fatigue, ſe rebute, & n’appartient qu’à très-peu d’êtres, pour quelques momens. Ses efforts même ne le mènent ſouvent qu’à ſe trouver ſur la route du haſard, pour le ſaiſir. La différence entre les hommes de génie & le vulgaire, c’eſt que ceux-là ſavent preſſentir & chercher ce que celui-ci trouve quelquefois. Plus ſouvent encore le génie emploie ce que le