Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/367

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peines inséparables des conditions élevées, ce qui peut-être anéantit tous les avantages & la ſupériorité de l’état civil ſur l’état de nature, l’homme obſcur & rampant, qui ne connoît pas ces peines, ne voit dans un haut rang qu’une abondance qui fait ſa pauvreté. Il envie à l’opulence des plaiſirs dont l’habitude même ôte le ſentiment au riche qui peut en jouir. Quel eſt le domeſtique qui peut aimer ſon maître ? & qu’eſt-ce que l’attachement des valets ? Quel eſt le prince vraiment chéri de ſes courtiſans, même lorſqu’il eſt haï de ſes ſujets ? Que ſi nous préférons notre état à celui des peuples ſauvages, c’eſt par l’impuiſſance où la vie civile nous a réduits de ſupporter certains maux de la nature où le ſauvage eſt plus exposé que nous ; c’eſt par l’attachement à certaines douceurs dont l’habitude nous a fait un beſoin. Encore, dans la force de l’âge, un homme civilisé s’accoutumera-t-il, avec des ſauvages, à rentrer même dans l’état de nature ; témoin cet Écoſſois qui, jeté & abandonné ſeul dans l’iſle Fernandez, ne fut malheureux que juſqu’au tems où les beſoins phyſiques l’occupèrent aſſez pour lui faire