Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/480

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

refuſent à continuer ces horribles exécutions ; ils ſont accusés des forfaits imaginaires qu’ils ceſſent de punir. Les miniſtres de la religion leur ſuſcitent des délateurs, qui leur font payer de leur tête les remords tardifs que leur arrache l’humanité. Les ſpectres, les viſions, la terreur & la conſternation, multiplient ces prodiges de folie & d’horreur. Les priſons ſe rempliſſent, les gibets reſtent toujours dreſſés. Tous les citoyens ſont plongés dans une morne épouvante. Les plus ſages s’éloignent, en gémiſſant, d’une terre maudite, enſanglantée ; & ceux qui y reſtent, ne lui demandent qu’un tombeau. On s’attendoit à la ſubverſion totale de cette déplorable colonie ; lorſqu’au plus fort de l’orage, les vagues tombent & s’appaiſent. Tous les yeux s’ouvrent à la fois. L’excès du mal réveille les eſprits qu’il avoit engourdis. À cette ſtupidité profonde, ſuccède un remords cuiſant & douloureux. Un jeûne général, des prières publiques, demandent pardon au ciel de l’avoir invoqué pour de tels ſacrifices, d’avoir cru le fléchir par le ſang qui l’irrite. On baigne de larmes une terre qui fut innocente & pure, avant d’être ſouillée